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Ce document présente la synthèse d’un groupe de travail qui a réuni une quinzaine de personnes ayant un syndrome de Usher entre mai et octobre 2019 (7 réunions de 3 heures).
Le syndrome de Usher est d’origine génétique. Il associe une atteinte des organes sensoriels de l’audition et de la vision, la cochlée et la rétine et parfois de l’équilibre, le vestibule. Il existe plusieurs types de syndrome de Usher (type 1, type 2 et type 3). La surdité est acquise à la naissance, ou peut être progressive en fonction du type de syndrome, mais la perte de champ visuel est pour sa part toujours évolutive.
Retour PlanUn groupe d’intervention sociologique est un groupe de travail entre personnes concernées, ici les personnes avec un syndrome de Usher. Elles mènent une analyse collective sur leurs situations, difficultés, stratégies et perspectives. Ce n’est pas un groupe de parole pour un travail psychologique.
L’objectif est de co-construire une analyse globale à partir de leurs expériences et de repérer des leviers d’actions pour améliorer les conditions de vie des personnes qui ont un syndrome de Usher. Pour cela, le principe d’un groupe de travail sociologue est d’inviter différents interlocuteurs à présenter leur service, travail ou analyse et à venir débattre.
Retour PlanCe groupe a rassemblé des personnes ayant un syndrome de Usher de type 1, 2 ou 3, et de profils diversifiés : âge et situation professionnelle variés, vivant seul ou en couple, de niveaux d’audition et de vision variés, appareillés (intra, contour d’oreille ou implant cochléaire) ou non, utilisant une canne blanche ou pas, et de modes de communication divers : français parlé, transcription écrite, Langue des Signes Française (LSF), Langue des Signes Française Tactile (LSFT) avec ou sans codes haptiques …
RetourCe groupe de travail a permis la découverte par les participants de la diversité des situations de surdicécité, des évolutions, des modes de communications et des expériences sociales de chacun. Il a permis à certains participants de rencontrer pour la première fois des personnes ayant le même syndrome qu’eux. Il a aussi permis à des personnes de type 1, 2 et 3 de discuter ensemble et d’avoir une réflexion commune.
Ces échanges ont eu lieu grâce à l’accessibilité mise en place : boucle magnétique et interprètes LSF et interprètes LSFT (LSF Tactile) et description de ce qu’il se passe, oralement ou en haptique. Ces échanges ont été favorisés par les règles de respect dans les débats et de confidentialité concernant les expériences et les prises de positions personnelles exprimées.
RetourCe groupe d’intervention sociologique a été organisé par des sociologues et anthropologues de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH). Il fait partie d’une étude de sciences humaines sur les parcours de vie, difficultés et stratégies des personnes ayant un syndrome de Usher. Cette étude est financée par le projet ANR investissement d’Avenir LIGHT4DEAF.
Retour• La grande diversité des situations et des expériences et le besoin de prendre du temps pour mieux se connaître ;
• L’importance de l’accessibilité pour se rencontrer et pour agir ensemble ;
• Le manque d’information des personnes avec un syndrome de Usher sur leurs droits, notamment pour les types 2 et 3 ;
• La diversité de stratégies au quotidien ;
• L’importance des difficultés rencontrées par tous avec les administrations censées les aider (lorsque ces aides sont connues…).
Retour PlanLa problématique des personnes ayant un syndrome de Usher ne se résume pas à une question financière, ni à des aides de professionnels. Cependant le groupe a considéré comme prioritaire de travailler sur la question du droit aux aides dans la vie quotidienne et à ce qui conditionne cet accès, à savoir :
• La définition de la cécité en France prenant pas ou peu en compte le champ visuel ;
• La non reconnaissance du cumul de difficultés visuelles et auditives (surdicécité), y compris lorsque la surdité est moyenne et la vision excellente dans un champ visuel réduit ou avec des situations de cécité totale (la nuit, dans des lieux sombres, lors d’éblouissements) ;
• L’absence d’aides forfaitaires spécifiques à la surdicécité pour les aides humaines dans la vie quotidienne ;
• La méconnaissance des enjeux des critères de qualité concernant les aides techniques, dans le cas de difficultés cumulées auditives, visuelles et parfois vestibulaires ;
• La grande complexité en général du rapport aux MDPH et aux administrations (sécurité sociale, etc.) ;
• Les manières de porter ces revendications.
Retour PlanEn lien avec les sujets discutés, les interlocuteurs invités par ce groupe de travail étaient des membres de :
• L'association Droit Pluriel ;
• Le Comité Interministériel du Handicap (CIH) ;
• La Direction de la compensation de la CNSA (Caisse Nationale pour la Solidarité et l’autonomie) ;
• Il n’a pas été possible, malgré le souhait du groupe de travail, de réussir à inviter un intervenant des MDPH ou d’associations siégeant dans les commissions de MPDH.
Retour PlanLes Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) peuvent financer des aides humaines pour différents besoins de la vie quotidienne :
• Il existe une PCH aides humaines forfaitaire, mensuelle, dite surdité, d’un montant de 389€ (en octobre 2019) correspondant à 30 heures d’aides à la communication, accordée si la surdité correspondant à une perte sur les deux oreilles de de 70 dB ou plus.
• Il existe une PCH aides humaines forfaitaire, mensuelle, dite cécité, d’un montant de 649€ (en octobre 2019) correspondant à 50 heures d’aides à la mobilité et pour des démarches du quotidien, accordée si l’acuité visuelle est inférieure ou égale à 1/20ème.
Retour PlanLes personnes qui ont un syndrome de Usher ne parviennent pas toujours à obtenir ces aides car les critères ne correspondent pas à leur situation.
Retour Plan• La PCH aides humaines forfait cécité ne prend en compte que l’acuité visuelle (moins de 1/20ème), et ignore le champ visuel, contrairement aux critères de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), qui considère que l’on est en basse vision avec un champ visuel égal ou inférieur à 20° et en cécité avec un champ visuel égal ou inférieur à 10° de champ visuel.
• La PCH forfaitaire cécité ne prend pas non plus en compte l’impossibilité de voir en faible intensité de lumière (héméralopie, ou cécité nocturne), ou à l’inverse, lors de forte luminosité causant des éblouissements (photophobie), ni même la possibilité d’avoir des zones aveugles dans un champ visuel resté large (scotomes annulaire ou central), toutes situations que connaissent les personnes ayant un syndrome de Usher.
Dans les dossiers de demande d’aide auprès de la MDPH, il est demandé de noter la meilleure vision, dans des conditions idéales, donc de jour : la cécité nocturne est donc ignorée, et les aides pour se déplacer ou apprendre à se déplacer dans la pénombre restent inaccessibles.
• Pour faire comprendre concrètement les situations vécues induites, le groupe de travail a rassemblé des témoignages qu’on peut lire dans cette synthèse.
RetourLa surdité doit être sévère (70dB). Ceci reste vrai lorsque ces difficultés auditives sont cumulées à des difficultés visuelles moyennes. Ces critères, auditifs et visuels, laissent donc de côté des personnes qui entendent mal et/ou ne peuvent pas localiser les sons, et qui ne voient pas la nuit et/ou qui ne voient pas sur les côtés.
RetourIl est donc demandé aux personnes cumulant des difficultés visuelles et auditives de choisir entre l’un ou l’autre des forfaits. Pour le groupe de travail, ceci est absurde, car les difficultés de communication ne disparaissent pas avec l’aggravation des difficultés de vision.
RetourLes MDPH indiquent que dans le cas où l’un ou l’autre des forfaits ne suffirait pas, il est possible de monter un dossier avec tous les documents attestant des difficultés, y compris liées au champ visuel, et des besoins. Ceci donne droit à une PCH dite personnalisée : elle fonctionne avec une estimation des coûts puis le remboursement des frais réels.
Ceci conduit à une situation absurdement complexe puisqu’il faudrait au préalable mobiliser une aide humaine pour obtenir puis pour conserver une aide humaine nécessaire à son autonomie.
RetourIl n’est pas du pouvoir des MDPH ni de la CNSA (Caisse Nationale pour la Solidarité et l’Autonomie) de changer ces règles sur l’impossibilité de cumuler des forfaits ou sur les critères d’attribution du forfait cécité et du forfait surdité.
RetourLe gouvernement actuel travaille à homogénéiser les pratiques des MDPH sur tout le territoire, pour simplifier les démarches et pour reconnaitre certains droits à vie lorsque la situation des personnes ne pourra pas s’améliorer. Le groupe d’analyse salue ces efforts mais constate que l’attribution de PCH aides humaines ne fait pas encore partie des droits qui peuvent être validés à vie, ce qu’il faudrait prévoir.
RetourCe groupe d’analyse collective a fait les propositions suivantes, qui ont été soumises par courrier au Comité interministériel du handicap (CIH), le 24 décembre 2019 :
Retour PlanPrendre en compte le champ visuel dans la définition de la cécité et de la basse vision, selon les indications de l’OMS. La France ne peut être le seul pays à ne considérer que l’acuité visuelle.
RetourDéfinir les personnes concernées par une « surdicécité » comme ceci :
• Champ visuel : inférieur ou égal à 40°, ce qui correspond à une absence totale de champ visuel périphérique, empêchant de conduire et contraignant l’anticipation du mouvement des autres et le repérage des obstacles (en intérieur comme à l’extérieur), ce qui suppose l’apprentissage de stratégies particulières de locomotion.
• Et/ ou Acuité visuelle : inférieure ou égale 3/10ème (critère OMS de basse vision)
• Et Surdité : perte supérieure ou égale à 56dB avec les 2 oreilles (critère du BIAP de surdité moyenne de 2ème degré)
Nous insistons sur le critère cumulatif de difficultés, même moyennes : cela signifie qu’en difficulté avec un sens, par exemple l’ouïe, il n’est pas toujours possible de pouvoir compenser totalement avec l’autre.
Ceci explique que les critères que nous proposons de prendre en compte soient ceux de la basse vision et non de la cécité, associés à des critères de surdité moyenne.
Par exemple, une personne qui n’entend pas et qui a aussi un champ visuel réduit et une sensibilité à la lumière, peut ne plus arriver à lire sur les lèvres de ses interlocuteurs ou ne pas pouvoir anticiper les mouvements de passants qui foncent sur elle.
RetourNous attirons votre attention sur la nécessité de pouvoir prendre en compte aussi la spécificité de certaines situations : la perte de vision à différents endroits de son champ visuel peut ne pas être uniforme. Il est par exemple possible d’avoir un champ visuel réduit à 60° mais ne rien voir du tout en position basse (par exemple ne pas voir ses mains posées sur la table lorsqu’on regarde devant soi, ni les obstacles au sol sur 5 à 10 mètres, ce qui suppose des adaptations et leurs apprentissages).
Les commissions des MDPH sont a priori prévues pour cela : elles doivent prendre en compte les limitations fonctionnelles effectives, au regard du quotidien et du projet de vie de la personne. Mais nous constatons que les critères médicaux utilisés pour définir les situations standard continuent d’être utilisés dans ces commissions, empêchant la prise en compte de la spécificité ou de la complexité des situations vécues. Ceci conduit à refuser des aides à des personnes sourdes perdant la vue. Nous avons plusieurs témoignages en ce sens.
RetourCréer une PCH aides humaines « surdicécité » (avec les critères précédents tenant compte de la combinaison de difficultés), forfaitaire (évitant la multiplication des dossiers et papiers nécessitant des aides humaines), de 80h (pour ne plus avoir à choisir entre communiquer et se déplacer).
RetourReconnaître un droit à l’anticipation des pratiques alternatives de mobilité et de communication (apprentissage de la canne, du braille, de la LSF, de la LSF tactile, de la vie quotidienne en basse vision etc.) pour les personnes dont le caractère évolutif de la vision et/ou de l’audition est avéré, irrémédiable mais sans prédiction précise possible.
Retour• Accès aux PCH aides techniques selon les besoins et procédures actuelles;
• Si cette surdicécité n’est pas temporaire, comme dans le cas du syndrome de Usher, attribution à vie de la PCH aides humaines forfaitaire « surdicécité », afin d’éviter des démarches épuisantes avec les MDPH alors que les difficultés visuelles ne peuvent que se maintenir ou s’aggraver;
• Maintien du versement de la PCH forfaitaire « surdicécité » durant les formations destinées à l’acquisition de pratiques alternatives de mobilité et de communication, quel que soit le financeur (assurance maladie, MDPH…) qui ne doit pas être le bénéficiaire;
• Pouvoir afficher la mention « surdicécité » sur la carte d’invalidité;
• Droit à la carte de stationnement.
Retour• La présence de centres basse vision, accessibles, sur tout le territoire ;
• L’interprétation en LS tactile (module dans la formation de base de tous les interprètes) ;
• L’accès à des cours de LSF pour des personnes ayant un syndrome de Usher ;
• La formation des aides humaines à la surdicécité et aux moyens de communication des personnes sourdaveugles ;
• La prise en compte des critères de qualité, et de l’évolution technologique, des aides techniques dans leurs prises en charge financières par la MDPH (ex appareil auditif) ;
• Une accessibilité cumulative pour la cécité et pour la surdité, avec par exemple pour l’accessibilité aux informations, la possibilité d’activer en même temps sur les téléviseurs l’audiodescription et la transcription ;
• L’accessibilité des œuvres cinématographiques et des vidéos sur internet, en sous-titrage et en audio description ;
• L’obligation pour les médecins ophtalmologues de fournir à leurs patients une fiche récapitulative des examens ophtalmologiques effectués.
Retour• Les tarifs interprètes sur le territoire, y compris en LSF tactile ;
• Les droits et services des MDPH (en application du dernier décret sur les documents à vie illimitée et l’harmonisation des droits) ;
• La signalétique dans les lieux publics et privés et notamment le métro, bus, tram (par exemple, préférentiellement sur les murs à hauteur des yeux, à défaut au plafond…dans une police et des couleurs à haut contraste);
• La luminosité sur les parcours de transport et les établissements ;
• L’accessibilité du cadre bâti et de la voierie pour une « mobilité réduite » (différente de la « motricité réduite » décrite par le ministère du développement durable) : visibilité du mobilier urbain, taille minimum du mobilier urbain (poteaux), repères podotactile, marquage visuel au sol, portiers électroniques d’entrée d’immeubles.
• La reconnaissance sur tout le territoire d’un droit à l’anticipation de pratiques alternatives dans le cas de surdité et/ou de cécité évolutive.
Retour• En offrant une réelle assurance : actuellement, les personnes ayant un syndrome de Usher sont surtaxées sur les assurances d’emprunt ; elles sont aussi concernées par des exclusions et des restrictions de couverture interrogeant sur la réalité de leur couverture ;
• En offrant un accès actuellement inexistant aux services de relais téléphonique disponibles depuis 2018 (loi numérique), en prenant en compte les règles d’accessibilité en basse vision et en braille ;
• En offrant une accessibilité basse vision et braille aux applications d’appels en voix-vidéos-texte vers le service national d’appel d’urgences 114, et en organisant une campagne d’information sur ce service auprès des personnes sourdaveugles ;
• En offrant une information accessible pour les personnes sourdaveugles sur les alertes incendie, attentats et catastrophes naturelles, et sur les gestes à tenir en cas d’urgence ;
• En appliquant les droits d’accessibilité et de compensation au travail et en formations, qui imposent l’évaluation des besoins et des moyens d’accessibilité avant tout refus pour les employeurs, centres de formation et CAP EMPLOI ;
• En garantissant le droit d’apprendre, de se former et d’acquérir des expériences professionnelles au regard des capacités actuelles des personnes et non par anticipation des difficultés à venir dans un délai par ailleurs imprévisible ;
• En garantissant la sécurité de tous par l’information du grand public sur l’existence des sourdaveugles, leurs possibilités et leurs repères, afin de leur éviter d’être doublement victimes : d’accident (choc de personnes ou de véhicules) et de violence sur leur personne (agression, coups).
Retour• La population générale (« monsieur tout le monde » et « passants ») sur l’existence des sourdaveugles, sur leurs difficultés et leurs pratiques, d’une manière humoristique ;
• Les ministères (dont éducation) et les employeurs sur les possibilités et les droits des sourdaveugles ;
• Les professionnels de santé, ophtalmologues et équipementiers (opticiens, audioprothésistes…) sur les pratiques de communication, de coordination (par exemple dans le noir), de repérages (indices utilisés au quotidien) et les possibilités d’activités (loisirs, travail…) des personnes sourdaveugles ;
• Les guides et accompagnants (ex SNCF, guide musée) mais aussi pour les personnels soignants et de secours (paramédicaux, ambulanciers, ergothérapeutes) sur les pratiques de communication et de guidage des personnes sourdaveugles ;
• Les MDPH sur les critères d’accessibilité avec des personnes aveugles ou malvoyantes : par exemple pour leur courrier en police Arial 16 gras et une version rtf des pièces jointes par email, ou pour communiquer en LSF avec un champ visuel réduit, ou en LSF tactile ;
• Les personnes ayant un syndrome de Usher sur :
- Les missions et possibilités offertes par les MDPH : RQTH, retraite, PCH etc. et les enjeux d’effectuer ces démarches avant la retraite (RQTH) ou avant d’être en cécité légale (aides techniques et humaines) ;
- Les prises en charge possibles des cours de locomotion, des aides techniques, etc., par la diversité des interlocuteurs possibles, dont les missions doivent être expliquées : assurance maladie (CPAM-sécurité sociale), assurance personnelle, mutuelle, MDPH ;
- Leurs droits, ce qu’est la discrimination et les interlocuteurs possibles.
RetourOù, comment ? via des associations ? via des réseaux de diffusion ? via des sites ou page (facebook etc.) d’informations ? en faisant la liste des associations, réseaux et sites existants ?
- Personnes avec un syndrome de Usher, membres d’associations de sourds ou d’aveugles : quelle prise en compte des revendications et besoins spécifiques ?
- Association de personnes avec un syndrome de Usher : quelle reconnaissance de la diversité des situations de surdité, de cécité et d’équilibre, de pratiques (langues, techniques, …), de parcours de vie (1er langue, niveau de formation…) et de projets ? Qui parle au nom de qui ?
- Personnes avec un syndrome de Usher en association autour de la surdicécité : quelle définition de la surdicécité ? toute cause de surdicécité ? de naissance ou acquise ? selon le mode de communication ? selon le degré d’autonomie (vie en institution / à domicile) ? qui ne se reconnaitra pas dans ce terme ? Qui parle au nom de qui ?
- Agir ou réfléchir ensemble entre personnes ayant un syndrome de Usher ou entre personnes ayant une surdité et une cécité : quels moyens trouver pour communiquer et se coordonner en tenant compte de la différence de chacun ? Quels moyens et soutiens financiers, humains et techniques possibles ?
- Le travail à faire est parfois local, parfois national (exemple pour les normes) ou international ; il faut parfois aussi agir des deux côtés : travail sur les normes et vigilance sur leurs applications ;
- Certaines actions concernent les pouvoirs publics et passent par les députés ou par le CIH, d’autres seraient plus directement à destination d’un corps professionnel (ophtalmologues, équipementiers, …).
- A quel point faut-il rentrer dans le fonctionnement administratif des MDPH par exemple ou imposer d’autres repères ?
- Entre action collective pour des conditions peut-être plus confortables demain, démarche administrative et gestion personnelle du quotidien avec une vision et parfois une audition évolutive, comment prioriser ? comment s’organiser et ne pas s’épuiser ?
Retour« Il y a un peu moins de 3 ans, je suis tombée dans les escaliers avec ma 2ème fille, alors âgée d’1 mois… On a mis cela sur le compte de la fatigue, de la maladresse comme les nombreuses autres maladresses qui jalonnent ma vie depuis plusieurs années. (…) Une fois que nous nous sommes assurés que ma fille va bien, mon médecin réalise un rapide test de champ visuel ; elle s’installe à un mètre en face de moi, tend les bras et me demande combien de doigts je dois compter sur ses mains ? « Bah je ne sais car je ne vois pas vos mains, je vois à peine vos avant-bras ». … 3 ophtalmologues à qui j’ai évoqué des problèmes de vue dans la nuit/ la pénombre, des difficultés de perception dans l’espace ; aucun n’avait cherché plus loin … Le soir même, je ne peux pas m’empêcher de faire des recherches sur le net (malgré la contre-indication de mon médecin généraliste) je tombe rapidement sur le syndrome de Usher ; je sais d’emblée que c’est cette maladie : tout rentre dans un moule, à sa juste place, en lisant les différents symptômes c’est moi qu’on décrit ! »
Retour« Malgré l’annonce de la maladie, aucun soutien psychologique ne m’a été proposé durant les différents rdv médicaux ! Ce sont des mois de cauchemars qui se profilent, je ne sais pas grand-chose de ma maladie, je m’imagine dans un black-out d’ici 5 ans, comment va se régir ma vie, dois-je apprendre le braille ? Dois-je arrêter de conduire ? Dois-je changer de métier ? Il me faudra attendre 6 mois pour avoir un rendez-vous dans un hôpital spécialisé, je ne me plains pas, ça aurait pu être plus long, au départ, on m’avait annoncé deux ans d’attente ! Le rendez-vous arrive et libère toutes mes questions, je suis rassurée, un peu, un soutien psychologique est proposé, mais 6 mois sont passés depuis la découverte de la maladie ! J’ai déjà fait la démarche de ma propre initiative, à mes frais auprès d’un psychologue pour « accepter » la maladie. »
Retour« Dans les années 1990, j’avais 6/10 et 4/10 d’acuité visuelle au minimum. Je n’avais pas de notion du champ visuel, les ophtalmos ne me renseignaient pas sur ce point, mais j’avais une vision tubulaire. Il m’arrivait fréquemment de buter dans un poteau, un plot (tous formats), un horodateur de rue, une poubelle, et plus gênant des personnes dans la rue ou dans des locaux. La nuit j’avais des difficultés pour me déplacer seul, je devais aller très doucement. Au travail, la femme de ménage laissait toujours son balai et seau d’eau à la sortie de mon bureau, et donc je les renversais systématiquement, ce qui faisait rire mes collègues mais pas moi. Et ils ne comprenaient pas que je puisse dans le même temps bien distinguer quelqu’un au bout du couloir (dans mon champ visuel). »
Retour« Combien de fois je me suis retrouvée devant un interphone d’entrée, un clavier d’ascenseur… (quand je les vois…) et dans l’impossibilité de m’en servir car illisibles pour moi par manque de contraste ? Beaucoup trop souvent. »
Retour« Le syndrome de Usher se caractérise par une visibilité difficile dans les endroits sombres, combinée à une acclimatation longue et partielle lors d’un changement d’intensité lumineuse. Ainsi, lorsque je prends les transports en commun et que le bus me dépose …dans le tunnel sombre de la gare routière, je me retrouve en grande difficulté car je ne vois ni mon chemin, ni les gens pour leur demander de l’aide… Dans cette pénombre il m’est impossible de pratiquer la lecture labiale, donc après le « Excusez-moi, je ne vois pas bien, est-ce que vous pouvez me guider ? », je devrais rajouter « oh… excusez-moi, je n’ai pas entendu votre réponse parce que je n’entends pas bien non plus…» Le calvaire !!! »
Retour« Dans la rue, contrairement à un aveugle, je ne bénéficie pas de l’écoute fine des échos, et ce malgré mes implants cochléaires. Donc, parfois, vu l’ambiance sonore trop bruyante locale, je n’ai que ma canne pour me guider et me protéger. »
Retour« D’une manière générale je suis confronté à des difficultés quotidiennes, tous les jours. Par exemple, pour aller au travail. Il arrive qu’il fasse nuit. Il y a des poteaux dans la rue, ou des petites bornes pour éviter que les véhicules aillent sur la chaussée. Mais moi je ne vois rien à ce niveau-là. Je regarde en face de moi lorsque je me déplace. Je ne vois pas ces bornes, et je trébuche dessus. Cela arrive fréquemment. Je trouve cela vraiment lourd. »
Retour« C’est extrêmement rare de voir une adaptation aux deux handicaps. Ma compagne est sourde oraliste (devenue sourde). Pour la télé (idem au cinéma et conférences ou réunions), elle a besoin du sous titrage. Donc nous avons sélectionné le sous titrage pour la télé. Mais impossible de sélectionner en même temps l’audio description, ce qui me serait utile dans certains films. »
Retour« J’ai 10 degrés de champ visuel et je suis totalement sourde. Il y a quelques semaines, j’étais sortie rejoindre des amis dans l’après-midi. Quand le feu piéton passe au vert, je m’engage sur le passage. Heureusement, à ce moment-là, je regardais les personnes en face, que je vois regarder sur le côté avant de s’arrêter brusquement. Par une sorte de réflexe mimétique, je m’immobilise : une camionnette qui avait grillé le feu passe en trombe à quelques dizaines de centimètres de moi. Un peu moins de vigilance, et j’atterrissais (au mieux) à l’hôpital... J’attends le jour où, me déplaçant seule dans Paris, j’aurai un accident. »
Retour« Un soir de février (il faisait nuit), je rentre chez moi après mon travail… J’attends donc mon train sur le quai pour rejoindre la gare. Des personnes passent devant moi en vitesse et je me dis que le train est là. Je lève la tête et je vois bien le train à quai (il fait sombre sur le quai de la gare). Je m’approche vers la porte et j’appuie sur le bouton d’ouverture des portes tout en avançant, sauf que j’atterri sur les voies ferrées (chute d’un bon mètre). Le train que je voyais était en fait sur la voie d’en face ! Effets d’optique ? Fatigue ? Mauvais éclairage ? »
Retour« Un autre jour, j’étais dans un grand magasin et je cherchais la caisse. Je m’adresse au vigile à l’entrée, qui me répond oralement. Bien sûr, dans le bruit du magasin, malgré mon implant, je ne le comprends pas. Alors, plutôt que d’écrire ou de m’offrir son coude pour me guider, il attrape ma canne, la soulève et, littéralement, me tracte jusqu’à la caisse (…). Là, sans un mot d’explication, il m’arrache les articles que je souhaitais acheter et les dépose sur le comptoir. Je vois à peine ce qui se passe et, malgré mes affirmations (« maintenant, je vois où est la caisse, merci beaucoup, je vais me débrouiller »), il continue comme si j’étais un enfant. Je me sens terriblement humiliée. Disposer d’un accompagnateur me permettrait d’éviter de me faire ravaler au statut d’objet. »
Retour« Lors de mes emprunts immobiliers, j’ai déclaré mon syndrome de Usher…mais, bien que payant la même cotisation que mon conjoint, j’ai fait l’objet de conditions « adaptées » avec une couverture moindre… »
Retour« Après mon Master, je me demande si je prépare le concours de l’agrégation. Cependant, je m’interroge sur les adaptations de poste dont je peux bénéficier en tant qu’enseignante. Je m’adresse donc à la mission handicap du ministère de l’Education Nationale en lui expliquant mon profil (élève normalienne, sourde avec une perte de vision progressive, possibilité de communiquer à l’oral aussi bien qu’en langue des signes française). Et là, on me répond substantiellement que si des adaptations existent pour les enseignants sourds (interprètes, classes directement en LSF – mais bien peu, me précise-t-on) et aveugles (assistants, etc.), ma perte prochaine de vision, alors que je suis déjà sourde, rendra impossible la communication avec les élèves aussi bien que l’interprète (!!). Et que la perte d’un sens n’est pas sans poser de grandes difficultés psychologiques… Par conséquent, je ferais mieux d’anticiper dès maintenant (…) et d’envisager un autre projet professionnel. Cela m’a totalement découragée. Avec le recul, je sais maintenant que cette affirmation est fausse : il existe la langue des signes tactile, la communication écrite braille, les technologies d’assistance (connecter mon appareil à une boucle magnétique…). Mais visiblement, cette personne ne s’était pas renseignée à ce sujet avant de me répondre : face à un handicap inconnu, absence de solutions. Et on enfonce encore bien plus la personne concernée, au lieu de réfléchir avec elle à l’ouverture des possibles. »
Retour« En 2014, je suis âgée de 22 ans (…) je demande pour la première fois à la MDPH une carte d’invalidité à 80 % et la mention besoin d’accompagnement car je me sens de moins en moins autonome dans mes déplacements. J’ai alors une surdité sévère (65bd de perte à gauche et 71db de perte à droite) et mon champ visuel est restreint aux 20 degrés centraux. Après de longs mois d’attente, la MDPH refuse ma demande de carte d’invalidité. Je ne comprends pas bien cette décision d’autant plus que ma seule perte auditive correspond déjà à un taux d’invalidité de 60 % et que mon champ visuel est extrêmement restreint. (…) Le médecin de la MDPH me précise que mon taux d’invalidité ne peut pas être calculé en prenant en compte ma perte auditive + ma perte visuelle. (…) Je me sens très humiliée face à ce refus de comprendre ce qu’est la surdicécité. Je me sens également humiliée de devoir me battre pour faire reconnaître mes difficultés et mes besoins. Je décide (…) de faire un recours auprès du Tribunal du contentieux de l’Incapacité. (…) J’obtiendrais enfin une reconnaissance de ma situation (carte d’invalidité avec mention besoin d’accompagnement). Aujourd’hui, mon audition ayant de nouveau baissé ainsi que mon champ visuel, je suis à nouveau en procédure avec la MDPH qui m’a refusé une demande d’aide humaine. J’ai l’impression que ce combat ne s’arrêtera jamais... »
Retour« Lors de la demande de renouvellement de ma carte d’invalidité en 2015, j’ai fourni mon dossier médical complet (ORL, Optalmo, médecin traitant...). Il faut s’y prendre à l’avance pour avoir sa carte et autres documents (RQTH...), il faut compter au minimum 4 mois de délai ! La MDPH traite mon dossier tardivement (ils sont débordés) et malgré mes relances, ce traitement prend plus de 6 mois. Mon audiogramme n’était alors plus valable car il faut (pour le dossier) un document de moins de 6 mois. Il a donc fallu recommencer tout le processus : rendez-vous ORL (selon les ORL les prises de rdv sont de 1 mois ou plus), puis renvoie de l’audiogramme à la MDPH et long délai de traitement. (…) Durant tout ce temps, j’ai pris des congés, dont j’aurais pu profiter autrement que pour du médical, et payé des honoraires ORL, remboursés inutilement par la sécurité sociale et la mutuelle... Dans moins d’un an je recommence, c’est un peu sans fin... »
Retour« J’ai reçu ma carte d’invalidité 2016/2020 et surprise… sans la mention « besoin d’accompagnement », mention que j’avais pour 2011/2015. J’ai donc fait un recours amiable, refusé par la MDPH… J’ai donc poursuivi au tribunal contentieux des handicaps et j’ai obtenu gain de cause. La procédure est longue, presque 3 ans. Mais le pire est que la MDPH, malgré le jugement avec obtention de la mention « besoin d’accompagnement », a mis près d’un an pour me demander une photo d’identité et me refaire la carte ! »
Retour« J’ai un champ visuel de 20° en horizontal et 12° en vertical. Je ne vois pas ce qui est au sol près de moi. En 2007 j’ai demandé à la MDPH de Cergy une carte d’invalidité avec mention « besoin d’accompagnement », une carte de stationnement prioritaire et un forfait cécité. Après un refus, une professionnelle de la MPDH m’a aidé pour refaire mon dossier, et j’ai obtenu en 2009 ces aides pour 10 ans donc jusqu’en 2019. Depuis, j’ai pris des cours de locomotion et j’utilise une canne pour me déplacer. En 2016, j’ai demandé une autre aide pour des détecteurs de fumée (…). En février 2018, non seulement je reçois un refus partiel pour ces aides, mais j’ai la surprise d’apprendre que le médecin de la MPDH me supprime le forfait cécité car mon acuité visuelle (4/10ème) est supérieure au barème. Elle considère que ce forfait m’a été attribué par erreur (par la commission de la MDPH…). »
Retour« Sur le plan professionnel, actuellement je suis conférencière, et je me déplace dans toute le France. (…) Pour ces déplacements, autrefois j’avais des facilités, mais maintenant ça diminue. Et je suis de plus en plus bloquée pour mes déplacements. En plus, je prends aussi plein d’informations en regardant le public et sur ça aussi je suis de plus en plus bloquée. C’est pour cela que j’ai sollicité une personne, un guide interprète. (…) Elle est ici un guide pour mes déplacements. Ensuite, quand on arrive sur place pour mon travail, pour la conférence, cette personne change de casquette et devient un interprète. (…) Je la paye avec mon forfait surdité ? Mais elle fait du guidage pour mes déplacements. La MDPH a refusé par deux fois de considérer cette situation (…). J’ai besoin de payer cette aide pour les déplacements, en plus des besoins de communication. C’est n’importe quoi cette situation. »
Retour« C’est à propos de mes démarches avec la MDPH, avec qui j’ai bataillé pour obtenir un « forfait cécité ». A la commission, ils me regardaient vraiment négativement, et avaient des préjugés : « Mais enfin vous voyez bien ! Vous comprenez bien l’interprète ! Désolés, nous suivons les critères qui sont indiqués ». Je leur ai dit, excusez-moi vous tous, mais moi ma situation c’est une surdicécité. Ca veut dire des besoins à adapter au cas par cas. On ne peut pas simplement suivre à la lettre les critères qui sont indiqués si cela ne correspond pas. (…) Il y a eu une personne, qui représentait elle-même une association de polyhandicap qui elle a pris conscience du sujet et qui a dit que suivre ces critères de manière drastique était inadapté pour les personnes qui sont dans une situation de double handicap, et qui ont vraiment des besoins pour vivre et avancer, qui peuvent ainsi être autonomes. (…) Et là les membres de la commission ont dit que ce n’était pas possible, se sont mis à m’engueuler. Je n’avais jamais vu ça. C’était une honte. »
Retour« Je suis allé à la MDPH, au siège, pour faire une demande d’une carte d’invalidité avec la mention cécité, et pour me verser en plus une PCH forfait cécité, parce que j’ai besoin d’une part de payer des interprètes en langue des signes tactile, et d’autre part pour avoir un accompagnement dans la vie de tous les jours, un aidant pour aller dans les magasins, pour les papiers, pour m’organiser dans ma vie de tous les jours, j’ai compris que j’ai ce besoin-là. Par ailleurs, j’avais envie de faire une formation pour la cécité, pour apprendre à utiliser une canne, à intégrer ça à 100%, aussi pour apprendre le braille, donc pour financer ça. Ils m’ont répondu qu’ils ne reconnaissaient pas le syndrome de Usher, qu’il fallait être plus dans la catégorie des aveugles, comme avec une acuité à 1%, quand on ne voit presque plus rien. J’étais perplexe, ça n’a rien à voir. Sourd, Usher, ça veut dire tout ça ensemble. La surdicécité comprend aussi bien les degrés légers que fort de perte visuelle. D’autant que c’est évolutif dans cette maladie génétique, c’est évolutif ! Et moi j’avais besoin de me préparer à cet avenir ! J’avais besoin d’être bien prêt et donc d’avoir l’argent pour financer ça. »
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